Meurtre au Mazet de Saint-Igest en 1851

 

Le Journal de l’Aveyron du 19 juin 1852 fait état du procès d’un nommé Sylvain Constans par la Cours d’Assise de l’Aveyron (Session du 2e trimestre de 1852 – Présidence de M. Lacroix).

Sylvain Constans avait été jugé une première fois par contumace par la cour d'assise de Rodez dans sa session du 24/11/1851 et avait été condamné à la peine de mort.

Ce Sylvain Constans résidait au Mazet mais n’avait aucun lien avec la famille Constans actuellement installée à Saint Igest. Il était le frère d’un médecin installé à Brasc. Suite au procés, Sylvain Constans vendra ses terres du Mazet à un nommé Serin. Cette vente sera contestée par le Docteur Constans de Brasc pour appropriation illégale de certains biens de son frère.

 

 

« (…) Le 31 mars 1851, le cadavre d’une femme inconnue fut retiré des eaux du Tarn, aux environs d’Ambialet, dans le canton de Villefranche, arrondissement d’Albi. Le bruit de cette découverte se répandit bientôt dans le pays, et chacun se livrait à ses conjectures sur l’origine de ce cadavre (…). Le 09 avril, un témoin déclare avoir trouvé sur les bords du Tarn, près du village de Saint-Igest (Aveyron), un chapeau de femme et un sabot qu'il représente. Ces objets ont appartenu à Marianne Constans, du village du Mazet, qui, depuis quelques jours, a disparu de son domicile et dont on n'a point de nouvelles. Cette découverte est un trait de lumière pour les magistrats instructeurs, et on constate bientôt que le cadavre retiré des eaux à Ambialet est celui de Marianne Constans.

(...) Les hommes de l'art avaient constaté que cette malheureuse avait d'abord été assassinée avant d'être jetée à l'eau, la tête était couverte de blessures mortelles, et les autres organes ne présentaient aucun des symptômes de l'asphyxie par immersion ; ainsi, nul doute que Marie Constans eût péri victime d'un crime horrible. Quels en étaient les auteurs ?

Une femme de réputation détestable, nommée Marie Jean-Jean, avait été vue avec Marianne Constans, vers les dernières heures du jour de sa disparition, le 25 mars. Le lendemain, cette femme se promenait seule dans les rues de Saint-Igest ; mais aucun indice ne s'élevait contre elle. Quel intérêt avait-elle en effet à la mort de Marianne Constans ? Pendant six jours, la justice se livra aux investigations les plus minutieuses dans la contrée. Sylvain Constans, frère de la victime, montrait beaucoup de zèle pour aider les magistrats à découvrir les auteurs du meurtre de sa sœur, et cherchait à diriger les soupçons sur un nommé Miailhe qui, disait-il, avait eu avec elle des relations intimes.

Découragé par tant de recherches inutiles, M. le juge d'instruction allait repartir pour Saint-Affrique, lorsqu'il eut l'idée de faire une perquisition dans le domicile de Marie Jean-Jean, contre laquelle, nous l'avons dit, quelques soupçons s'étaient élevés. Cette fille sortait de sa maison au moment où le magistrat y arrivait avec son greffier. A leur vue, elle retourne tout de suite sur ses pas, et se précipite vers une armoire dans laquelle elle saisit vivement un morceau de papier.

M. le juge d'instruction se jette aussitôt sur elle, lui saisit fortement le bras, et lui arrache le papier, sur lequel se trouve écrite une obligation de trois cents francs, signée Sylvain Constans.

Marie Jean-Jean parait accablée : "Ah ! les malheureux, s'écrie-t-elle, dans quelle position ils m'ont mise ! » Et aussitôt elle fait des aveux complets. Elle déclare au magistrat instructeur que ce billet est le prix du sang de la malheureuse Marianne Constans ; que c'est elle qui a frappé cette fille et l'a précipitée dans le Tarn. Elle déclare que Sylvain Constans et Marianne Carles, sa femme, l'ont déterminée à commettre ce crime, en lui donnant six francs en argent et le billet de 300 francs qu'on vient de saisir.

Un mandat d'arrêt est aussitôt lancé contre les mariés Constans; mais quand les gendarmes arrivent à leur domicile vers minuit, ils avaient déjà pris la fuite.

Cependant, l'instruction pouvait désormais marcher avec sureté, et on la poursuit avec activité. C'est ainsi qu'on apprend que Marianne Constans, qui était célibataire et d'une mauvaise santé, avait vendu à son frère Sylvain tous ses droits successifs paternels et maternels, moyennant une pension viagère et annuelle de 300 francs.

Cette circonstance expliquait l'intérêt que Sylvain Constans et sa femme avaient à se débarrasser d'elle, et en la rapprochant de la découverte du billet trouvé chez Marie Jean-Jean et des aveux de cette fille, le doute n'était plus possible.

A la dernière cession des assises, les époux Constans n'étant pas encore arrêtés, Marie Jean-Jean dut être jugée seule par le jury. On se souvient qu'elle fut condamnée aux travaux forcés à perpétuité.

A l'audience d'aujourd'hui, Sylvain Constans, qui a été arrêté au moment où il passait la frontière d'Espagne, oppose des dénégations formelles aux charges qui pèsent contre lui. Il affirme que sa femme seule, qui est parvenue à se soustraire aux recherches de la justice, est la complice de Marie Jean-Jean ; qu'elle seule a écrit et signé le billet trouvé chez cette fille et qu'elle seule l'a déterminée à faire mourir l'infortunée Marianne Constans.

L'accusé est un homme jeune encore, d'une physionomie heureuse, et qui appartient aux classes aisées de la société.

M. de Vérot, procureur de la république, a soutenu cette grave accusation avec ce talent entraînant, cette parole brillante et chaleureuse que nous lui connaissions déjà, et a fait ressortir avec force toutes les charges accablantes qui s'élevaient contre l'accusé. Il a vivement insisté sur cette circonstance odieuse, que, non content d'avoir dirigé le bras qui a ôté la vie à sa sœur, Constans n'avait pas craint de souiller sa mémoire en la présentant au juge d'instruction comme entretenant des relations coupables avec le témoin Miailhe, alors que l'autopsie du cadavre a démontré que cette fille était vierge.

La tâche de la défense était, comme on le voit, difficile. Disons tout de suite que Maître Azémar, qui en était chargé, n'a rien laissé à désirer et en a tiré tout le parti imaginable. M. le président a ensuite, dans un résumé remarquable par sa clarté, sa concision et son impartialité, reproduit les charges de l'accusation et les moyens de la défense. Le jury n'est resté que peu de temps dans la chambre des délibérations, et en est bientôt revenu avec un verdict affirmant sur toutes les questions, et qui admettait des circonstances atténuantes en faveur de l'accusé.

En conséquence, Sylvain Constans a été condamné aux travaux forcés à perpétuité. »

 

 

Sources:

Archives départementales de l'Aveyron : Journal de l'Aveyron du 19 juin 1852

Informations trouvées en 2018 par Maurice Serin de Saint Igest, résidant à Montpellier.